mercredi 29 juin 2011

Toulouse 062011







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(La mise au point est ratée, mais quelque part j'aime,
l'eau est d'autant plus insaisissable.)

Avant de prendre le train en partant de Toulouse j'ai cherché un endroit où suspendre ma tête lourde de nombreuses questions et de la terrible sinusite qui déclarait sa première fièvre [+4 jours aujourd'hui, c'est la guerre]. Mon endroit de prédilection est toujours les bibliothèques, d'autant plus connaissant et appréciant la grande médiathèque toulousaine. Elle était fermée, ce qui m'a permis de me diriger vers la place Marengo où j'ai immédiatement été saisi par une fontaine au sol d'une dizaine de jets rectilignes qui s'élèvent de façon aléatoire.
Pas si aléatoire que ça il me semble bien. J'ai observé, compté maintes fois, puis j'ai abandonné les mathématiques pour me laisser rythmer, et j'étais de plus en plus persuadé que l'architecte de cette fontaine avait une musique dans la tête. Que j'ai écoutée de cette façon : en regardant l'eau, et en pensant fort à Debussy. Écouter en regardant.
Les énormes bulles d'eau m'ont littéralement fasciné, hypnotisé à vouloir en voir encore une, encore une, encore une. J'ai failli rater le train.


mercredi 15 juin 2011

Message au jeune homme qui fait du piano [Ré].




Déposé aujourd'hui dans une boîte aux lettres.

Me suis arrêté net hier soir dans la rue en entendant ce même morceau au piano saisi plusieurs fois depuis que je suis arrivé dans ce quartier du village.

Quelqu'un-e se met au piano, connecte tout son corps (posture, dextérité, vivacité), sa concentration et ses émotions (désir ?) à l'instrument, et écoutez tous les filaments de vie qui se faufilent au-delà du piano-pianiste... Gigantesque discrétion de bonheur.

Je ne sais pas combien de temps je suis resté là assis contre le mur à écouter le jeune pianiste s'élancer puis recommencer, se tromper, recommencer les trois mêmes morceaux. Ça n'avait rien d'un concert, c'était bien plus de l'apprentissage, de la technique ; mais lorsque la musique décollait alors ça valait tous les plus grands concerts de la planète, car il n'y avait aucun public à convaincre mais « juste » un pianiste inconnu qui déclenchait sans rien annoncer ce soir-là de la beauté quelque part.
Je me suis dit que les musicien-ne-s débutant-e-s (me) sont peut-être les plus émouvant-e-s, un tel apprentissage est une énergie transcendante.
 

mercredi 1 juin 2011

De l'adolescence jusqu'à la réalité {en passant par les rêves} : des humain-e-s alphabétiques.

Suite à un rêve il y a quelques nuits à Ré où je me retrouve au collège à la récréation, je me rappelle d'un détail réel de cette période très peu intéressante, vaporeuse, qu'a été l'adolescence : j'avais créé et j'écrivais des calepins entiers avec mon propre alphabet.
Malheureusement plus de traces matérielles de ces carnets avec cet alphabet unique. Les mots étaient français, seuls les symboles alphanumériques étaient créés. Il me semble également que plusieurs mots avaient été inventés.
J'imagine bien ne pas avoir été le premier ado à établir son propre code d'écriture, cette période de vie peut être tellement avare de réponses scintillantes à des questions jaillissantes qu'il doit être un réflexe fréquent de garder secrètes par écrit une partie des questions qu'on ne veut pas voir dilapidées dans du morne.
Ce qui est peut-être un peu moins courant c'est que je me rappelle bien souvent préférer écrire dans mes calepins plutôt que d'être avec les autres. En fait je passais la plupart des récréations derrière un couloir vitré donnant sur la grande cour grouillant d'élèves. Le handicap y était en partie pour quelque chose, sous prétexte d'aménager ma situation d'élève handi j'étais en réalité bien souvent physiquement isolé des autres (là il y a toute la thématique critiquable de l'exceptionnabilité de l'élève handi...) pour des raisons d'accessibilités, de lenteur corporelle à être en même temps que les autres/valides à un endroit, la précarité thermique suivant les saisons hivernales ou caniculaires, etc. ; pour autant je crois nettement me rappeler que le handicap ici entraînait un effet technique d'être en dehors des autres, mais que de ma propre personne je n'affectais pas spécialement de me mêler à cette cour soi-disant récréative. Ne serait-ce que le bruit, celui de très nombreuses discussions et de cris m'épuisaient mentalement, alors que derrière cette longue vitre je pouvais tout observer depuis du calme.
Et j'observais. En cela, je n'arrive pas à concevoir que j'étais déconnecté des autres car je passais mon temps à les regarder minutieusement. De mes calepins, il s'agissait de cela. Non pas les remplir de ragots humains à la façon d'un journal intime, bien qu'il y ait dû avoir quelques écrits de ce genre, mais bien plus de répertorier le plus d'interactions humaines possibles depuis une vitre silencieuse. C'est-à-dire basé sur les mouvements des corps, les échanges corporels, les regards, les déclencheurs de cris, de rires, de duels, de victoires, d'humiliations, les attirances érotiques et leurs gestions. Comment tout cela s'opérait, se produisait, se réalisait depuis un passé, dans ce présent visible, jusqu'à quel avenir.
J'étais un plutôt très bon élève, pour autant je n'avais pas à l'époque d'intérêts spécifiques dans des domaines de savoirs particuliers (si ce n'est tout de même les guitares, les réseaux informatiques, la musique 80/90's, quelques super-héros, la peinture, et arrivera Michel Foucault...), par contre j'ai l'impression d'avoir été une sorte d'irrépressible anthropologue du milieu environnant dans lequel je me trouvais. Si je participais à cette socialité, ça semblait en partie pour l'étude. Comme tout ado qui expérimente, pourrions-nous dire, oui, mais... Lorsque j'ai par exemple commencé les cours de systémique à l'université, j'ai eu l'impression d'un « enfin je peux appliquer tout ce que j'ai étudié des fonctionnements sociaux ! », tout devenait clair, illustré, rien qu'au premier cours sur la thermodynamique.
Les calepins du collège et du lycée étaient comme des notes de recherche. Je pense que j'avais conscience à l'époque que quiconque lisant toutes ces analyses m'aurait pris pour bien plus fou que je le suscitais déjà. Je m'en foutais bien plus de paraître bizarre que d'être questionné sur tout cet univers d'observation-analyse qui me paraissait incommunicable à moins de... de... me déchiffrer comme l'écriture de cet alphabet ?
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Je n'étais pas pour autant une « bête noire », j'avais même un certain niveau de popularité, mais disons de façon très concentrée : généralement j'étais fortement lié à deux ou trois filles (et un seul gars, je crois bien, un américain pédé) dont je réalise seulement maintenant sans aucun doute qu'il se jouait du passionnel et de l'érotique (large), réciproquement. Mais ce que je savais à ce moment là, ce qui me captait clairement, c'est qu'il s'agissait de filles « très intelligentes », intellectuellement, les fameuses « meilleures de la classe alias petites génies », mais aussi d'une pertinence à comprendre la mascarade des premiers théâtres sociaux de cet âge-là. Elles disaient que j'étais « étrange et mystérieux » - quel cliché d'ado - mais amusant et terriblement attentionné à ce qui se passait (là où les autres garçons compulsaient d'in_tentions). « Terriblement », oui... Jusqu'à ces terribles calepins d'heures d'écriture d'où, là où elles m'aimaient, moi j'analysais secrètement quels étaient les fonctionnements de leur amour.
Je me rappelle au collège de deux filles – l'une s'appelait Océane, ce prénom - qui ont quasiment fini par s'entre-tuer pour déterminer laquelle avait vraiment de l'amour pour moi. Je n'ai pas compris grand chose à cela, du moins je n'y ai pas participé (j'ai plutôt fui vers l'américain) et de ce fait il semblerait que j'ai « perdu » le lien avec les deux personnes. Le grand spectacle de l'absurdité humaine commençait alors, et mes phrases écrites avec des points d'interrogation obsédants aussi.
Ensuite il y a eu le lycée, avec deux figures marquantes. La première, la « petite génie », notre amitié a commencé par une belle rivalité : si elle avait à un devoir 18/20, j'avais alors quasiment toujours 17/20, elle les 19, moi les 18, ce petit écart d'un point ainsi jusqu'à la fac où nous avons continué à en rire (je me rappelle l'avoir fréquemment dépassé en systémique et cybernétique, là j'étais pleinement sur ma planète). Les autres moins, que nous ne nous amusions intellectuellement sans peine et que nous soyons toujours les « deux premièr-e-s » semblait douteux. Mis à part cela elle me foutait la paix, nous étions souvent ensemble mais chacun nos univers ou alors des éclats de rires partagés, elle ne m'assaillait pas de questions peut-être parce qu'elle comprenait la plupart de ces questions {on souhaite souvent comprendre les réponses des autres, je crois que j'ai nettement plus besoin qu'on comprenne les questions}.
La deuxième figure fut vers la fin du lycée, une fille dans mon souvenir qui ressemble fortement à un des personnages principaux du film "La naissance des pieuvres", grande, blonde, faisant beaucoup plus âgée, effrontée, et générant tout un ensemble de densités érotiques. C'est elle qui est venue vers moi avec... tout plein de questions à propos de mes questions. Je pense que sa beauté troublante lui a permis de draguer mes réponses existentielles à défaut de ma personne réelle via quelques tentatives. Les autres dansaient aux soirées, nous nous discutions d'une façon qui me semblait bien plus sexuelle/impact que n'importe comment autrement.
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Depuis j'ai un peu mieux appris le langage qui peut s'écrire pour relater tout ce qui peut se passer entre plusieurs humain-e-s, même si cela me demande encore la majorité du temps un décodage précis. J'ai remplacé l'alphabet de cette époque par un décodeur puissant, et j'ai surtout ouvert les espaces en moi pour pouvoir garder mes zones de réflexion discrètes lorsque nécessaire.
Peut-être que maintenant je cherche ce genre d'alphabet en des personnes, de rares personnes qui peuvent être vécues d'une vérité intacte, d'une existence directe qui ne paraphrase aucune réalité mais qui plutôt la déploie.