dimanche 16 janvier 2011

Cadeau/x et couture ornithologique.

J'adore les cadeaux, mais suis terrifié à les recevoir.
Terrifié comme on n'imagine pas, jusqu'à une angoisse de tonnerre, les boyaux étranglés. La phrase « j'ai un cadeau pour toi », et c'est comme si je m'échappe de moi-même le plus vite possible.
(Et si j'offre des cadeaux, des objets-trésors ? J'adore tout autant, voire plus, mais je fais en sorte de m'être déjà échappé lorsque la personne découvre la chose ; vive la Poste et des cadeaux-surprises qui apparaissent lorsque je suis absent.)

Je crois du fait de : l'attente, celle de la personne qui offre, la convenance sociale du don et surtout du contre-don, avec des paroles + sourires fantomatiques... La moindre attente est pour moi une tenaille géante, un gouffre.
« Ce que je dois » >>> dire, agir, faire, supposer, comprendre, etc <<< m'enserre l'existence. Comme être piégé et devoir sur-faire plutôt qu'être.

Depuis quelques années j'essaye du mieux possible de formuler à mon entourage cette terreur de l'acte du cadeau. Il y eu beaucoup de progrès attentionnés, même si le cadeau reste souvent présenté comme un impératif exceptionnel auquel il m'est presque supplié de « faire un effort »... Je ressens souvent cela : les personnes ont bien plus envie d'agir comme donneuses (actives) plutôt que de permettre l'acte de recevoir (laisser faire).

Des ami-e-s en deviennent parfois comiques, l'annonce se fait fréquemment ainsi : « j'ai un cadeau pour toi mais je sais que tu n'aimes pas les cadeaux [j'ai rarement le temps de répondre que, si, je les aime, mais c'est la réception qui m'atomise], mais de toute façon ce n'est pas un cadeau, c'est juste un truc que j'ai envie de te donner ! ».
Alors je souris.
Et hier une amie a profité de ce sourire pour me donner un beau « truc ».
Un patch fait main avec une bergeronnette de cousue en vert.





Merci la Couturière. (Mais le plus beau cadeau est sûrement que tu te mettes à découvrir les oiseaux.) Touché.
 

dimanche 2 janvier 2011

Alter-pistes.


Être multi-pistes.
Compris cela il y a quelques jours dans le bus. Mon cerveau est constitué d'une telle façon (?) qu'automatiquement il capte *tous* les stimulus sonores. Comme si dans un bus mes oreilles se déplaçaient partout dans le bus, ai réalisé qu'étais « involontairement attentif » à une dizaine de bruits/sons/discussions en même temps, mais sans pour autant que ceux-ci surchargent particulièrement l'espace sonore.
Je capte comme mécaniquement de la simultanéité sonore : les freins à gaz du bus, la fermeture éclair du sac à dos qu'actionne une personne derrière moi, le vibreur du téléphone portable de quelqu'un, la monnaie qui tombe par terre d'une poche d'une passagère, les bruits du trafic routier à l'extérieur, les discussions d'inconnu-e-s...

Et c'est souvent pareil avec beaucoup d'aspects de ma vie, indéniablement multi-pistes.
Parfois exaltant. Régulièrement catastrophique.
Énergisant autant qu'épuisant.
Un automatisme que je remarque seulement tardivement.
Par exemple dans la même idée, je travaille rarement sur une seule chose à la fois, lorsque je lis un article il est fort probable que je prenne des notes en même temps mais concernant un autre article lu précédemment, qu'immédiatement après je fasse une recherche, puis que je poursuive la lecture de l'article tout en écoutant « d'une oreille » (en ai combien ?) une conférence et en mixant la lecture à quelques mails pro.
Lorsque j'ouvre Internet, mon premier réflexe est d'ouvrir une petite dizaine d'onglets, je les parcours tous comme si je jonglais adroitement, avec un cerveau en snapshot.

Tout cela dans une bulle très particulière, bulle dont la paroi serait comme électrisée ; si quelqu'un-e d'autre qu'intime/prévenant-e vient toucher cette paroi, je me sens immédiatement agressé, électrifié.
J'essaie de faire beaucoup d'efforts là-dessus, mais je crois que le meilleur que je puisse faire est de clairement/posément indiquer aux autres qu'il ne faut pas chercher à interagir avec moi dans ces moments-là.


Je me rappelle qu'au lycée quelques ami-e-s s'amusaient à évaluer comment j'entendais quiconque arriver hors de mon champ visuel, et ce quoi que je fasse, même si j'étais en train de discuter ou bien d'être plongé dans une lecture. Ce qu'une de ces personnes m'avait fait remarquer : en plus d'entendre n'importe quand quelqu'un-e surgir, la plupart du temps je reconnais à qui appartient le pas, le son des gestes m'est très précis.
J'ai souvent pensé jusqu'à présent que mon handicap physique engendrait une immobilité qui me rendait de fait extrêmement attentif à l'environnement. Il y a peut-être de cela, mais de toute évidence j'ai une autre disposition. Me suis dit cela dernièrement en observant les chats : quelque chose d'animal, d'un éveil permanent.

J'aimerais pouvoir créer une vie à chaque piste.
J'aimerais aussi ne pas perdre la patience et/ou la compréhension de personnes entre chaque piste. Et pour cela il faut que je communique à chaque inter-pistes, que j'explique, que je rassure... Ce qui s'avère le plus difficile, temporiser un espace relationnel alors que des dizaines de pistes se mettent en relation en moi.

Forme schizoïde ? Peut-être. Frénésie d'instabilité existentielle ? Je ne pense pas. Et quelque part peu importe. Parce que si j'enlève l'épuisement mental qui peut s'agglutiner en angoisse terrifiante, et les blessures à autruis que j'occasionne (non sans me perturber profondément et à vie), je bouillonne d'énergies qui me portent sans cesse. Chaque piste est une étoile, et je vis en constellation.
L'angoisse épuisante, j'apprends de mieux en mieux à la gérer. Et la gestion est d'autant plus possible si les personnes qui m'entourent sont ces rares humain-e-s qui privilégient ce qui est possible - repérer les constellations - plutôt que ce qui ne l'est pas.